Un auteur genevois consacré
Si ce nouveau titre attire la lumière, il s’inscrit dans un parcours déjà riche en distinctions. Figure familière des lettres romandes, Joseph Incardona avait marqué les esprits avec “La Soustraction des possibles”, immense succès critique et public. Il avait également reçu le Prix littéraire Gonet, remis lors du Festival du LÀC pour son roman “Les corps solides”. C’est donc un écrivain confirmé, au style affûté par ces succès successifs, qui nous livre ici une partition magnétique et maîtrisée.
Le coup de cœur de Color My Geneva : Pourquoi on aime ?
Parce que Joseph Incardona réussit le pari d’un roman à la fois addictif et exigeant. Il ne se contente pas d’écrire un polar, il nous offre une véritable expérience sensorielle. Dès les premières lignes, on est pris par une écriture cinématographique et visuelle.
En outre, on s’attache progressivement aux personnages, tout en étant happé par la lucidité du propos. C’est un voyage littéraire percutant et brillant, qui prouve la vitalité de nos auteurs genevois à l’international.
Ève, sirène du réel
L’intrigue s’ancre dans le réel à travers un métier insolite. Ève est une sirène qui se produit dans des spectacles. Des villas huppées de Vandœuvres, aux mégalopoles asiatiques, elle ondule dans les aquariums des hôtels de luxe pour divertir une clientèle fortunée.
Loin du conte de fées, le romancier dépeint le quotidien physique de son héroïne. Derrière les paillettes et la queue en silicone, se cache un corps réparé au titane, marqué par un accident passé. Ève n’est pas une créature éthérée, mais une femme lucide qui observe avec acuité la marche d’un monde obsédé par la consommation.
Le détective Matt Mauser
Pour accompagner cette figure aquatique, le roman introduit Matt Mauser. Détective privé luttant contre l’obésité et la chaleur, il apporte une humanité tangible au récit. Personnage très attachant, il forme avec Ève un duo atypique. L’auteur explore la solitude urbaine et la quête de sens d’un homme qui tente de rester droit.
Un écho à l’urgence climatique
Le titre ne trompe pas : si les personnages sont à bout de souffle, la planète l’est aussi. En filigrane de son intrigue, Joseph Incardona dresse le constat d’un environnement épuisé par la démesure humaine. De l’absurdité des pistes de ski dans le désert, aux aquariums artificiels au milieu de nulle part, le roman pointe les paradoxes d’une époque qui consomme le monde jusqu’à la lie. C’est une écologie du constat, sans morale lourde, mais d’une justesse implacable sur la fin d’un cycle.
Une fresque sociale palpitante
Plus qu’un polar, ce livre est une invitation au voyage, mais sans filtre. Le récit nous embarque dans un véritable périple international, des rives du Léman aux lumières artificielles de Dubaï ou Tokyo. Il peint avec justesse ces lieux de transit et de luxe où se croisent des destins opposés, offrant une radiographie mélancolique et fascinante d’une société en perpétuel mouvement, jusqu’à une fin grandiose.
Un roman à ne pas manquer !
Sandrine Bourgeois, journaliste pour Color my Geneva (tous droits réservés).
• Livre : Le monde est fatigué
• Auteur : Joseph Incardona
• Éditeur : Finitude
• Disponible : Dans toutes les bonnes librairies