Le quatrième roman Mon Maître et mon vainqueur, édité chez Galiimard, de l’écrivain Francois-Henri Désérable est tout cela à la fois et bien plus encore… Ce roman foisonnant dissèque brillamment le triangle amoureux entre l’actrice Tina, son amant, le séducteur Vasco, et son mari Edgar, aveuglé par le quotidien de la vie ordinaire.
Suite à un drame, une enquête débute, menée pas à pas par un juge poète et accompagné par le témoignage du narrateur. Cette enquête permet de découvrir les secrets des protagonistes, à travers une histoire enrichie de références littéraires dont on se délecte.
Le titre Mon maître et mon vainqueur est un hommage à la poésie et tout particulièrement à Paul Verlaine « Es-tu brune ou blonde…Es-tu douce ou dure ? / Est-il sensible ou moqueur ton cœur ? Je n’en sais rien, mais je rends grâce à la nature / D’avoir fait de ton coeur mon maître et mon vainqueur… »
On s’attache avec tendresse aux personnages, notamment à Tina qui essaie de lutter de toutes ses forces contre la passion qui la dévore. Elle est envahie par la culpabilité de mère de famille et par son amour sincère pour son mari. On lui pardonne… Quelle femme est certaine de pouvoir résister aux charmes dévastateurs et à la puissance érotique de cet amant ? Ce dernier a mis tout en oeuvre pour séduire la belle Tina jusqu’à lui dévoiler les trésors originaux de la Bibliothèque Nationale de France (la Bible de Gutenberg, les épreuves corrigées des Fleurs du Mal…) et à voler pour elle le cœur de Voltaire…
L’amour est une affaire sérieuse que François-Henri Désérable traite avec humour pour le grand plaisir du lecteur. La description du cunnilingus jusqu’au plaisir de Tina est hilarante. Dans les bras de son amant, elle fait sienne la phrase de Baudelaire « -Qu’importe l’éternité de la damnation à qui a connu dans une seconde l’infini de la jouissance-»
Le narrateur qui s’interroge sur les difficultés du couple et propose une solution « quand le désir s’émousse au sein du couple, il faudrait pouvoir sous-traiter». Ainsi, «…il y aurait beaucoup moins de divorces ».
La comparaison métaphorique entre le sonnet et le vers libre est truculente :
« Le sonnet, c’est un peu comme l’amour conjugal : sa beauté naît des contraintes qui lui sont inhérentes…pesanteur du tête-à-tête quotidien, inévitable effet de routine…ce qu’il y a de si grisant mais aussi d’un peu facile dans le vers libre et l’adultère, où l’abolition des contraintes donne le sentiment d’une liberté suprême, absolue, ivre d’elle-même, or que vaut la liberté…dépourvue des contraintes qui la bornent ? »
Je vous conseille vivement ce roman centré sur la passion amoureuse avec une forte puissance érotique, hymne à la littérature magnifiquement bien écrit, n’ayant rien à envier au magnifique Belle du seigneur.
MON MAÎTRE ET MON VAINQUEUR (ÉDITIONS GALLIMARD)
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Sandrine Bourgeois : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire cette histoire d’amour ?
– Assez banalement : un chagrin d’amour suite auquel j’ai commencé à écrire des poèmes. Puis j’ai pris quelques-uns de ces poèmes, et je les ai inséré dans l’histoire fictive de Vasco et Tina, qui s’aiment à un moment de leur vie où ils ne devraient pas s’aimer.
S.B : Quels sont les romans ou poèmes qui vous inspirent pour écrire ?
– Pour Mon maître et mon vainqueur, s’il ne faut citer qu’un seul roman, ce serait Article 353 du Code pénal, de Tanguy Viel, puisque je lui ai piqué un de ses personnages principaux : le juge d’instruction, que j’ai pris la liberté de muter de Brest à Paris. Quant aux poèmes, rien de très original, je dirais ceux de Verlaine, de Rimbaud, d’Aragon.
S.B : Quel message ou quel sentiment souhaitez-vous que vos lecteurs retiennent de leur lecture de Mon maître et mon vainqueur ?
– Je songe à la remarque que fit Goethe à Eckermann, cinquante ans après la parution des Souffrances du jeune Werther : « Il serait fâcheux qu’au moins une fois dans sa vie chacun n’ait pas une époque où Werther lui semble avoir été écrit spécialement pour lui ». Ce qui me touche le plus, c’est qu’un lecteur vienne me trouver et me dise : « On ne se connaît pas, mais ce livre, vous l’avez écrit pour moi.”
Sandrine Bourgeois – Reporter pour Color My Geneva tous droits réservés