Culture, Loisirs

Sur grand écran, « A real pain » nous offre une belle leçon de vie

Avec “A real pain” et une balade polonaise, l’acteur et scénariste Jesse Eisenberg nous offre un très beau film sur l’amour et les traumatismes intergénérationnels.

David (Jesse Eisenberg) et Benji (Kieran Culkin) sont cousins. Suite au décès de leur grand-mère polonaise survivante de l’Holocauste, ils décident de lui rendre un dernier hommage en se rendant dans son pays natal. A Varsovie, ils rejoignent un tour organisé qui va les mener jusqu’au camps de Majdanek et de sa maison d’enfance. Ce voyage va changer profondément leurs relations.

« A real pain » de Jesse Eisenberg avec Jesse Eisenberg, Kieran Culkin, Will Sharpe et Jennifer Grey.

Sortie : 26 février 2025

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Jesse Eisenberg a de faux airs de Woody Allen avec ses bouclettes et son phrasé saccadé. Dans A Real Pain, son deuxième long métrage après When You Finish Saving the World en 2022, il incarne avec doigté David, un juif new-yorkais, marié et jeune papa, vivant d’un métier de la tech, sensible au quand dira-t-on et ultra stressé. Ce pourrait être son double puisqu’il a puisé l’inspiration dans la propre histoire de sa famille d’origine polonaise qui l’a incité à l’introspection, au point de retourner de nombreuses fois dans la patrie de Chopin et de réfléchir à en demander la nationalité. Face à lui, Kieran Culkin endosse le rôle du cousin chômeur et perdu, à la fois lumineux et incontrôlable. Ce duo fonctionne à merveille, comme un Laurel et Hardy nouvelle formule. Benji ose tout, n’a rien à perdre, entraînant un David empesé qui se lâche peu à peu à faire les 400 coups tout en craignant la punition….  Sauf que chacun à sa manière porte une douleur intérieure, la sienne et celle de l’autre.

Pour mener à bien leur projet, les deux cousins se sont inscrits à un « Heritage Tour », qui prévoit notamment l’exploration du ghetto de Varsovie, le voyage en train en première classe, l’hébergement dans des hôtels de luxe et la visite d’un camp de concentration. Sans voyeurisme, Jesse Eisenberg nous emmène ainsi de l’ancien quartier juif de Lublin au camp de concentration de Majdanek.

Arrivés à Varsovie, David et Benji retrouvent les autres membres du tour et le guide à l’accent d’Oxford. Bienveillants les uns avec les autres, conscients de la gravité de leur démarche, ils contrebalancent avec leur gentillesse et leur propre questionnement la tension qui se glisse peu à peu entre les cousins. A leur manière, ils témoignent aussi de l’importance de connaître son histoire familiale pour mieux guérir ses propres blessures. « Ce sera un voyage sur la douleur », annonce avec un brin d’emphase leur guide. Il n’a pas tort, d’où le titre du film A real pain. Pourtant, le propos est loin d’être pesant et on rit beaucoup ! C’est cet équilibre qui rend ce film particulièrement attachant. Entre deux scènes comiques, de belles images de la campagne polonaise et la musique de Chopin, Jesse Eisenberg ose parler du traumatisme intergénérationnel, de la douleur de voir un être aimé s’abimer alors qu’on se sent impuissant à l’aider. Il brosse aussi un beau portrait de cousins qui s’aiment et se détestent à la fois. Benji traîne un mal-être, une difficulté à prendre son destin en main alors que sa grand-mère avait survécu à l’horreur et lui rappelait que la vie est faite de mille petites choses. Peut-être trouve-t-il que cette injonction est un héritage trop lourd ? Aussi ose-t-il remettre le jeune guide policé à sa place, lui rappelant qu’au-delà des dates et des mots, ils vont tous à la rencontre/ redécouverte de personnes qui ont réellement vécu, souffert, aimé. Cette scène est particulièrement remarquable.

Le film est nominé aux Oscar pour le meilleur scénario original et Kieran Culkin pour l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle. Il a également reçu le prix spécial du jury international lors du 15ème festival du film de la Roche-sur-Yon. Par ailleurs, Kieran Culkin a gagné le prix du meilleur second rôle masculin et Jesse Eisenberg celui du meilleur scénario lors des BAFTA 2025.

 

Virginie Hours, reporter pour Color My Geneva – tous droits réservés

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