« On va juste marcher » propose Raynor Winn (Gillian Anderson) à son mari Moth (Jason Isaacs). Que leur restent-ils d’autres à faire ? A plus de 50 ans, ils ont perdu leur argent, leur maison et Morth est atteint d’une maladie dégénérative. En attendant que des amis puissent les héberger durant l’hiver, ils décident de charger leur maison sur leur dos et de marcher avec leur sac à dos le long du Salt Path (le chemin salé), un sentier de randonnée qui longe la côte du sud-ouest de l’Angleterre. Un périple de 1010 kilomètres les attend, beau et rude à la fois.
“The Salt Path” de Marianne Elliott, avec Gillian Anderson, Jason Isaacs
Date de sortie : 8 octobre 2025
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Sur les sentiers
Que reste-t-il quand vous n’avez plus de maison, de travail et d’argent et qu’aucun de vos amis ne peut vous héberger avant plusieurs mois ? se demande Raynor Winn alors que les huissiers toquent à la porte de sa maison. La route… mais pas n’importe laquelle ! Il s’agit de la Salt Path, cette randonnée pédestre de 1 010 kilomètres qui longe toute la côte de la péninsule du sud-ouest de l’Angleterre, de Minehead dans le Somerset jusqu’à Poole dans le Dorset. Pendant toute la durée du film et à travers les yeux de Raynor et Moth, nous découvrons la beauté de cette côte, les falaises escarpées, les petits ports nichés dans des criques, les grandes plages de galet. Ce film est un retour aux sources, au vent qui fouette le visage, aux lapins qui gambadent dans les prés, aux oiseaux et aux embruns. Bref, aux paysages qui apaisent… Car après les premières semaines difficiles de marche, le pli est pris, Raynor et Moth ont leur rythme, certes plus lent que d’autres… mais à quoi bon se dépêcher si personne ne vous attend ? Le plus grand des luxes se trouve dans la nature, « the gift of nature » comme le déclame un baigneur qui leur offre des mûres salées.
Pourtant, la réalisatrice ne cache aucune de leurs difficultés, l’angoisse de n’avoir plus d’argent, de manger à la soupe populaire, d’assumer cette nouvelle réalité. « Vous êtes retraités ? » leur demande leur voisin de table. « Non, nous sommes sans abri » ose lui répondre Moth. Son interlocuteur se retourne alors, gêné… Mais il n’y a aucun patho dans cette histoire, juste une volonté de résilience. Afin d’alléger le propos, Marianne Eliott glisse des moments d’humour (l’invitation des londoniens, le monsieur irascible avec son chien), de fraternité et de poésie. Elle met le doigt sur les petits plaisirs qu’ils retrouvent comme les scones onctueux à la crème dégoulinante, la douche bien chaude ou le coucher de soleil, et ne cache pas les moments plus triviaux telles les multiples techniques pour recharger des téléphones dans les prises des grands hôtels ou la commande d’un simple pot d’eau chaude à l’heure du thé. Cette randonnée subie se transforme ainsi en périple salvateur qui ouvre sur de nouvelles perspectives et fait relativiser nos tracasseries du quotidien. Et nous rappelle que notre univers douillet pourrait aussi basculer soudainement.
S’aimer après 50 ans
L’atout du film se trouve aussi dans le couple que forment Raynor et Moth Winn. Dans ce rôle, Gillian Anderson et Jason Isaacs sont parfaits. Leur complicité et leur affection crèvent l’écran. Ils montrent comment se vit l’amour après 50 ans, non plus dans la passion et les débordements mais dans l’attention à l’autre, la volonté de rester ensemble et d’affronter les difficultés unis. Face à l’adversité, chacun reste digne et fidèle. C’est donc aussi une belle histoire d’amour qui dure une fois que les enfants sont partis et que le couple reste seul à affronter la suite. Peu importe quelques invraisemblances, ils incarnent tous deux le respect de la parole donnée et l’envie de continuer à vivre pleinement, tout simplement, malgré tout.
Lire ou ne pas lire le livre
Le film est une adaptation du best-seller éponyme de Raynor Winn paru en 2018. Personnellement, je n’ai pas souhaité lire le livre, peu attirée par ce genre littéraire. J’ai donc regardé l’adaptation avec des yeux neufs, happés par les paysages et ce rythme que certains trouveront lents mais qui correspond aux kilomètres parcourues (4, 13, 19, 31…). Aujourd’hui, une enquête du journal britannique The Observer met en cause l’authenticité du récit et dénonce une manipulation. Si ces remarques sont vraies, elles n’entachent pas la qualité du film qui reste une belle histoire qui fait du bien dans une époque plutôt morose.
Un film touchant.
Virginie Hours, reporter pour Color My Geneva – tous droits réservés