(Photo Agathe Myard/espace_a.ch)
Pierre Assouline, grand biographe, membre de l’Académie Goncourt, dans son nouveau roman Le paquebot (aux éditions Gallimard) embarque son lecteur à bord du bateau de croisière le “Georges Philippar”. Ce paquebot de luxe français exploité par les Messageries Maritimes a été en activité sur ses lignes d’Extrême-Orient en 1932. Avec une magnifique plume pertinente et incisive, Pierre Assouline relate la dernière traversée tragique du” Georges Philippar”, au cours de laquelle le grand reporter Albert Londres trouva la mort. Dans ce récit captivant mêlant fiction et réalité, le lecteur est convié à suivre la chronique de voyage d’un passager Jacques-Marie Bauer marchand de manuscrits rares. Il y côtoie ses compagnons cosmopolites de voyage de première classe dans une atmosphère ouatée entre promenade sur le pont, repas somptueux, jeux de sociétés, baignades dans la piscine, discussions animées. Le souvenir du Titanic et la peur d’un accident ne lâchent pas les passagers. Pierre Assouline distille d’ailleurs des indices sur des incidents techniques rencontrés pendant la traversée…Ce naufrage est annonciateur de celui de l’Europe au seuil des évènements qui entraineront la deuxième guerre mondiale. Que s’est-il passé sur ce paquebot ? Un accident ou un attentat ?
L’auteur…
Pierre Assouline journaliste, chroniqueur, romancier et biographe est l’auteur de plus de 70 ouvrages dont notamment Lutetia, Sigmaringen, double vie, Le dernier des Camondo, Tu seras un homme, mon fils …
Il est l’un des plus suisses des écrivains français. En effet, il écrit ses ouvrages en Valais et remet au lauréat à Berne chaque année le choix du Prix Goncourt de la Suisse. Il est depuis la première édition le Président du festival du LÀC
L’histoire selon l’éditeur…
Février 1932. Jacques-Marie Bauer, libraire spécialisé en ouvrages de bibliophilie, s’embarque à Marseille sur le Georges Philippar, un paquebot flambant neuf en route vers le Japon. Nouant des liens avec les autres passagers — le commandant Pressagny et sa petite-fille, l’assureur Hercule Martin, le pianiste russe Sokolowski, ou encore la séduisante Anaïs Modet-Delacourt —, il demeure mystérieux sur le motif de son voyage. Lorsque entrent en scène des Allemands, des camps ennemis se forment au sein de cette petite société cosmopolite : l’ascension d’Hitler divise l’assemblée. Aux sombres rumeurs du monde fait écho, sur le bateau, une suite d’avaries techniques inquiétantes…
Les points forts…
Le paquebot est un fascinant roman qui contribue au-delà du fait divers du naufrage du Philippar à décrypter une société insouciante qui fonce et s’enfonce vers les tumultes de la guerre. « Après tout, un paquebot pourrait être l’endroit idéal pour attendre le naufrage du monde, là-bas au loin. On s’y sent protégé » C’est aussi l’occasion pour Pierre Assouline de croquer finement et de manière caustique certains passagers. Vous tomberez certainement sous le charme d’Anaïs Modet-Delacourt et de l’espiègle Salomé. L’ambiance année trente est admirablement décrite jusque dans les détails vestimentaires des passagères « …deux dames commentaient la dernière chronique de la comtesse de Verissey dans Paris Élégant, notamment ce qu’elle y disait des robes du soir en crêpe de satin blanc, un volant en forme entourant le décolleté et s’achevant par un noeud dans le dos, la jupe s’élargissant par des coquillés…”.
L’auteur rend un bel hommage à la littérature avec de nombreux clins d’œil aux écrivains dont notamment à Proust, Thomas Mann, Flaubert… Un superbe roman enrichissant, passionnant et sensuel que vous conseille vivement Color my Geneva.
Un extrait…
“ Durant la traversée, on se sent dans la ouate. Celle-ci, de légère, devient moite, gluante, étouffante. Dès la première escale, on est ramené à la commune humanité des terriens, à croire que mers et océans constituent un lieu échappé du globe. À peine pénètre-t-on dans la salle à manger que le retour au réel se manifeste dans sa brutalité. Seul un couple nous maintenait dans l’irréel. Car je ne doutais pas que la plupart des passagers étaient comme moi envoûtés par leur présence muette. Je l’avoue, la première fois que je les vis, je me laissai prendre. Ce que l’on savait de cette femme ne parvenait que par bribes incertaines, déformées. En construisant son propre récit, elle distillait par petites touches l’intrigue de sa vie. L’inconnue séduisait à proportion de l’étonnement qu’elle suscitait à chacune de ses apparitions, que ce fût par sa mise, sa gestuelle, son regard, une mimique, un simple mot parfois. Une grande dame qui a conscience de l’être, c’est-à-dire quelqu’un qui organise son inaccessibilité. L’une de ces femmes dont l’éclat nous coule dans les veines…“
Sandrine Bourgeois-reporter pour Color my Geneva (tous droits réservés)