Culture, Loisirs

Au cinéma : « Chroma » ou quand l’amour peut guérir

Avec ce nouveau film, le réalisateur Neuchâtelois Jean-Laurent Chautems nous transporte dans un monde particulier. La comédienne Solène Rigot est parfaite en jeune fille borderline qui cherche à se guérir… et à guérir les autres malgré eux.

 

Chroma de Jean-Laurent Chautems

Avec Solène Rigot, Aurélien Caeyman et Patrick Chesnais

Sortie Suisse romande : 6 juillet 2022

 

Claire débarque à Genève et y loue un studio. Désoeuvrée, elle observe les locataires de l’immeuble d’en face. Rapidement, elle est fascinée par un jeune homme aux comportements étranges. Elle va tout faire pour entrer en contact avec lui et le comprendre. De son côté, il se méfie de cette jeune fille au comportement borderline qui l’irrite et le touche à la fois.

 

Cela faisait 10 ans que Jean-Laurent Chautems ne nous avait pas entraîné dans son univers. Avec « Plus là pour personne » sorti en 2009, le réalisateur neuchâtelois s’entourait déjà d’excellents acteurs pour une histoire difficile qui évoluait dans un univers presque crépusculaire. Avec “Chroma“, il conserve cette pâte caractéristique en choisissant de filmer Genève comme une ville anonyme, sombre. Çà et là, on reconnait le pont de la machine, le magasin Manor ou quelques rues du plateau de Champel. Il fait froid, humide, triste comme un reflet de l’appartement où s’est réfugiée Claire.

 

L’histoire commence comme une référence au film « Fenêtre sur cour » ou « La fille du train » ; Claire est fascinée par ces vies qui se dévoilent dans les appartements qu’elle aperçoit de chez elle : un professeur d’université, une femme belle et moderne, un jeune homme qui fait l’amour sans tirer ses rideaux. Peu à peu, le film prend son rythme et on s’attache à ce personnage féminin insaisissable. Celle-ci est atteinte d’une pathologie encore trop méconnue : le trouble de la personnalité limite (ou borderline) qui se caractérise notamment par une instabilité et une hypersensibilité dans les relations interpersonnelles. Le film a comme qualité principale de mettre en lumière cette maladie.

 

Claire (étonnante Solène Rigot vue dans “Chère Léa” de Jérôme Bonnell) apparait ainsi comme une Amélie Poulain tourmentée. Capable de gestes extrêmes quand elle se sent méprisée, elle cherche aussi à créer le bonheur autour d’elle par des élans souvent maladroits. Elle est touchante et son jeu nous fascine car la comédienne sait parfaitement passer de l’image d’une enfant paumée à celle d’une adulte volontaire. Elle porte le film sur ses épaules, irritante et touchante ä la fois. Face à elle, l’acteur belge Aurélien Caeyman incarne un Alain qui se réfugie dans les chiffres pour contrer ses propres angoisses. Révélé pour son rôle dans la série télévisée “La Trêve“, il incarne avec conviction un joueur de piano de grands hôtels mutique, sensible et désemparé face à cette jeune femme qui le harcèle et attaque les murs de sa forteresse intérieure. Elle lui offre une autre vision de lui-même et lui propose de risquer sa vie pour être heureux.

 

Car ce film traite ainsi avec doigté de la peur de la maladie et de la mort, du désir de contrôler sa vie par tous les moyens. Comme perdues dans la grande ville, ces deux âmes blessées vivent dans l’espoir de se sauver eux-mêmes et l’autre avec. Filmé avant la période du Covid, ce film fait écho à des réflexes ou des craintes acquises à ce moment-là : la propreté, la crainte de l’autre, la mise en place d’un rituel visant à se préserver de toute maladie.

« Toi non plus tu n’as plus à avoir peur » dit Alain à Claire au début du film.  Ces deux-là aimeraient s’offrir une belle histoire d’amour et un soutien mutuel. Y arriveront-ils ? A vous de juger à la fin du film.

 

Virginie Hours, reporter pour Color My Geneva – tous droits réservés

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