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Au cinéma, un « Napoléon » dans tous ses états

Le réalisateur Ridley Scott donne une vision très personnelle de l’empereur des français.

1789, Napoléon Bonaparte, jeune officier corse, assiste à la décapitation de la reine Marie-Antoinette. Il est ensuite envoyé à Toulon pour récupérer le port occupé par les anglais. Commence alors une ascension fulgurante qui le mènera jusqu’au trône d’empereur au côté de la femme qu’il aime plus que tout, Joséphine…

Un film de Ridley Scott avec Joaquim Phoenix, Vanessa Kirby

Sortie : 22 novembre 2023

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Un faux biopic

Ridley Scott est un réalisateur qui n’a peur de rien. Fasciné par la figure de Napoléon Bonaparte, l’empereur des français qui domina le monde avant d’être exilé sur l’île de Sainte-Hélène, il s’est entouré de sa garnison de fidèles pour nous offrir une grande fresque au budget de 130 millions de dollars : le scénario est signé David Scarpa (Tout l’argent du monde ), le montage est assuré par Claire Simpson (Raised by Wolves) et la photographie par Darius Wolski (Le Dernier Duel).

Le résultat est étonnant, tant il en offre une vision très personnelle. En effet, il ne faut pas considérer ce film comme un biopic fidèle ni comme une restitution historique, Ridley Scott prenant de grande liberté avec la vérité.  Ainsi, la mort de Robespierre n’a jamais eu lieu au sein de l’hémicycle de la convention mais à son domicile. En choisissant un Joaquim Phoenix d’âge mur et à l’allure taciturne, il ne prend pas en compte l’âge réel de Bonaparte au début de ses victoires (27 ans) ni le fait que Joséphine était de 6 ans son aînée. Et il est dommage que Ridley Scott n’ait pas davantage montré les qualités de Joséphine à commencer par son esprit politique et diplomate. Mais ce sont ses choix.

Le personnage qu’il dépeint ne peut que heurter le mythe ; Napoléon est présenté comme un rustre, sentimental, très à l’écoute de sa mère, parfois même ridicule. Il ne semble prendre de l’ampleur que comme chef de guerre. Il est vrai que les historiens le présentent comme un homme complexé et peu sûr de lui, souvent colérique. Cette figure permet de briser parfois le rythme frénétique du film en y incluant des éléments proches du burlesque tel le face-à-face entre Napoléon et la momie…

 Même si le film est rythmé par les grandes dates de son ascension, de son règne, puis de sa débacle, c’est plus la petite histoire que la grande qui fascine le réalisateur. Il s’attache à nous montrer le lien qui unissait Bonaparte et Joséphine et sa difficile conquête de sa bien-aimé, parallèlement à ses victoires militaires. Malheureusement, il nous est difficile de croire à ce lien fort tellement Joséphine, (incarnée par une Vanessa Kirby un peu effacée) semble le supporter plus que l’aimer. En revanche, il est vrai qu’ils gardèrent des relations fortes après leur divorce marqués par un respect mutuel qui s’acquit avec le temps.

De magnifiques batailles

En revanche, Ridley Scott ne démérite pas sur les points de détails et les scènes de bataille. Tourné à Maltes et en Angleterre, le film est attentif aux détails, aux costumes et aux décors. On y retrouve la même patte que dans les précédents Gladiator ( 2000) ou Kindgom of Heaven (2005). C’est bien là un des principaux intérêts du film : montrer le génie militaire de Napoléon Bonaparte dont il fait dire que tout est géométrie. Les reconstitutions sont prenantes. De la reconquête de Toulon en passant par la bataille d’Austerlitz et celle de Waterloo, il transcende ces affrontements à la fois dans leur brutalité et leur part d’héroïsme. Soulignant au passage que les victoires de Napoléon étaient également dues au « réservoir humain », la France étant le pays le plus peuplé d’Europe à l’époque. Le décompte des morts à la fin du film laisse pensif… Mais il nous offre de magnifiques plans dignes des tableaux des plus grands peintres et fait allusion à certaines œuvres bien réelles : Bonaparte devant le Sphinx, de Gérôme, Le Sacre de David, Bonaparte devant les pyramides contemplant la momie d’un roi, de Maurice Orange.

En conclusion, ne boudez pas ce film visuellement si esthétique et aux nombreuses scènes de bravoure. A chacun de conserver l’image de Napoléon qu’il souhaite : l’amoureux transit ou l’homme de guerre… Mais si vous êtes déçus, rappelez-vous que le personnage de Napoléon apparaît dans presque 180 films, dont le mythique Napoléon d’Abel Gance (1927) qui, fraîchement rénové, devrait ressortir en salle prochainement… Vous avez le choix !

Virginie Hours, reporter pour Color My Geneva – tous droits réservés

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