Décembre 1815. Un homme voûté (Grégory Gadebois) portant un baluchon sur son dos entre dans un village et cherche un logis où dormir pour la nuit. Il s’appelle Jean Valjean. Repéré comme ancien bagnard, il est rejeté de partout sauf de la maison d’un curé Monseigneur Bienvenu (Bernard Campan). Celui-ci vit très simplement avec sa sœur malade (Isabelle Carré) et leur servante acariâtre (Alexandra Lamy). Ce face à face va changer les deux hommes à jamais…
« Jean Valjean » de Eric Besnard
Avec Grégory Gadebois, Bernard Campan, Isabelle Carré et Alexandra Lamy
Date de sortie : 19 novembre 2025
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Le genre humain existe
L’écrivain du XIXème siècle Victor Hugo était visiteur de prison. Il connaissait bien le milieu carcéral et les mille raisons qui conduisaient un homme derrière les barreaux. « 4 vols sur 5 ont pour raison la faim » dénonçait-il à travers ses écrits. Le réalisateur Éric Besnard reprend à son compte ce constat : il ne faut pas réduire l’homme à son acte mais croire que le meilleur qu’il a en lui peut ressurgir si on lui en laisse la possibilité. C’est tout le sens du film qui est adapté de l’œuvre « Les Misérables » de Victor Hugo. Comment Jean Valjean est devenu « malgré lui » ce qu’il est et quelle rencontre lui permet de basculer du « bon » côté, celui de l’espérance et de la foi en l’homme. C’est un message qui est toujours plus d’actualité. Pour l’illustrer, le film prend alors des allures de pièce de théâtre avec une unité de lieu et de temps. Ce choix permet de vivre pleinement la tension de cette nuit où tout bascule. Jean Valjean doit décider de son « devenir », seul face à lui-même et à ses souvenirs.
Une équipe fidèle
Pour nous raconter « son » histoire, Éric Besnard a réuni autour de lui des acteurs qu’il connait très bien : Grégory Gadebois (qui a perdu 30 kilos pour jouer ce Jean Valjean noueux et perdu) et Isabelle carré qui étaient réunis déjà dans Délicieux en 2021, puis Alexandra Lamy qui jouait dans Louise Violet en 2024. Bernard Campan est le petit nouveau de la bande, tout en douceur mais jamais mièvre pour incarner Monseigneur Bienvenu, celui par qui tout arrive. Tels des acteurs de théâtre, ils se regardent, se toisent, osent les silences et les coups d’éclat.
Une relecture personnelle
Depuis plusieurs films, Éric Besnard interroge la notion « d’identité française » et de ses mythes fondateurs. Il s’est donc intéressé à la création du premier restaurant (Délicieux) puis de l’école républicaine (Louise Violet) avant de s’inspirer du livre Les misérables et de montrer combien la société est un véritable kaléidoscope. “Bien sûr”, il a pris des libertés avec le récit d’origine, imaginant notamment la sœur de Monseigneur Bienvenu dont l’histoire rappelle celle d’autres héroïnes de Victor Hugo. Le bagne n’est plus situé en Guyane mais dans des carrières de calcaire ; cette blancheur accentue le contraste entre la prétendue noirceur des bagnards et la simple humanité de Jean Valjean. Il lutte pour conserver sa belle âme mais rêve de liberté et d’un ailleurs meilleur comme les autres. En pure perte.
Au-delà de l’histoire même de Jean Valjean, Éric Besnard souhaitait « rendre hommage » à la langue de Victor Hugo et c’est réussi. La qualité des dialogues est particulièrement remarquable. Les phrases sont minutieusement ciselées (je suis entrée en religion comme d’autres en haine) et savent osciller entre humour (un prêtre opulent est un contresens) et réflexion (j’ai besoin de peu, c’est déjà trop). Cette musique des mots convient parfaitement à ‘histoire et permet souvent d’alléger le propos ou la tension qui existe entre les personnages.
Un film de qualité, fidèle à l’esprit de Victor Hugo et rempli d’espérance dans l’homme.
Virginie Hours, reporter pour Color My Geneva – tous droits réservés



