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« Le village aux portes du paradis » sur grand écran : au nom de l’espoir

Voici une perle cinématographique ! Avec son premier film “Le village aux portes du paradis”, le réalisateur somalien Mo Harawe nous plonge dans un monde rempli de beauté et de dureté à la fois.

Dans un petit village appelé Paradis sur la côte somalienne, vit Mamargade et son fils Cigaal. L’école du village, qui ne vit que de don, doit fermer ses portes. Alerté par la directrice qui trouve que Cigaal est intelligent et devrait continuer ses études, Mamargade décide de l’envoyer en pension. Ce choix lui coûte cher et il doit cumuler les petits boulots. Sa sœur Araweelo, fraîchement divorcée, vient habiter chez lui. Elle rêve d’ouvrir sa boutique mais ne peut pas emprunter à la banque si un homme ne se porte pas garant. Alors, elle cherche d’autres moyens de réunir l’argent…

“Le village aux portes du paradis” de Mo Harawe

Avec Canap Ahmed Ibrahim, Ahmed Cali, Faarax, Cigale Maxamuud Saleebaan

Date de sortie : 18 juin 2025

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Un pragmatisme à tout épreuve.

Le film débute par une annonce de CNN relatant l’explosion de la voiture d’un dignitaire alors que celle-ci circulait sur une route désertique. Le soir, Cigaal raconte à son père que lui et ses camarades ont appris à se cacher pour se protéger des drones qui pourraient attaquer par surprise. Son père hoche la tête ; fossoyeur traditionnel et compte tenu de la guerre civile, il pourrait avoir beaucoup plus de travail s’il ne subissait pas la concurrence des entreprises de pompe funèbre qui opère avec des machines… En quelques plans, nous voici plongés dans la réalité quotidienne des somaliens. Peu médiatisés, les conflits existants dans ce petit pays sapent les tentatives de développement social et économique. Par touches, le film dénonce aussi les ravages causées par le khat, cette herbe à mâchonner dont les effets se rapprochent des amphétamines et qui est interdit dans de nombreux pays. Pourtant, ce film n’est pas pessimiste. Il met en scène des êtres qui se battent au quotidien pour leur survie, dans la dignité, la débrouille et la volonté.

Le personnage d’Araweelo est ainsi remarquable. Elle divorce car elle ne supporte pas l’idée que son mari accueille une seconde épouse. Elle rêve d’ouvrir sa propre boutique et cherche à réunir l’argent par tous les moyens. Volontaire, elle va dans les villages réclamer l’argent que d’autres lui doivent.

Cigaal est envoyé en pension, une école qui ressemble à un hâvre de paix au-milieu du tumulte et du vent et dont il comprend très vite l’enjeu. Face à lui, son père se bat avec ses forces et ses faiblesses dans un système mouvant et précaire.

Un film très esthétique

La mise en scène est factuelle, la caméra s’attache à la beauté des visages, du vent, de la mer. En ce sens, le film est particulièrement esthétique. Certains pourront trouver que le rythme du film est trop lent mais la qualité de la photographie compense les longs silences. Peu à peu, on s’attache à ce coin de terre et à ses habitants, à cette lumière constante et à ce vent permanent. Evitant tout misérabilisme, le réalisateur montre combien les habitants auraient en main les qualités et compétences pour aller eux-mêmes de l’avant : l’intérieur des maisons est pauvre mais digne, Araweelo ne se néglige jamais et poursuit son rêve inlassablement. Le réalisateur n’en fait pas pour autant des saints, ne cachant pas les difficultés du père, ses mensonges, son secret.

Une belle surprise.

Le film a été sélectionné à Cannes en 2024 dans la série Un Certain Regard.

La même année, il a remporté le prix du meilleur film lors de la Viennale, Festival du Film Autrichien.

 

Virginie Hours, special reporter pour Color My Geneva – tous droits réservés

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