Culture, Loisirs

“The Old Oak” au cinéma, un appel humaniste dans un temps troublé

Il y a comme une forme d’urgence à aller voir le dernier film de Ken Loach. Le réalisateur britannique de 87 ans ne cesse de plaider pour une meilleure compréhension commune et pour faire tomber les barrières communautaires.

Nous sommes en 2016. Des réfugiés syriens sont logés dans une ancienne cité minière du nord-est de l’Angleterre. La jeune Yara, passionnée de photographie, se lie d’amitiés avec T. J. Ballantyne le patron du pub The Old Oak. Tous les deux souhaitent utiliser ce lieu de rassemblement traditionnel pour trouver une nouvelle manière de cohabiter.

The Old Oak de Ken Loach avec Dave Turner, Ebla mari et Trevor Fox

Date de sortie : 25 octobre 2023

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La force d’une histoire parallèle d’abandon

Après I, Daniel Blake et Sorry, we missed you, c’est la 3ème fois que Ken Loach plante sa caméra dans le nord-est de l’Angleterre. De nombreux films se sont attachés à cette région sinistrée depuis la fermeture des mines de charbon marquée par la violente et longue grève des mineurs. Comme dans Billy Elliot de Stephen Dalshry ou Les Virtuoses de Mark Herman, Ken Loach a voulu dénoncer une Angleterre à deux vitesses et l’abandon par Londres d’une communauté. Et c’est là où réside l’intérêt du film…

Comme à son habitude, il nous plonge sans transition dans la vérité crue dès les premières minutes du film : l’arrivée d’un bus transportant des familles syriennes dans un petit village minier du sud-est de l’Angleterre. Pas de fleurs ni de pancarte de bienvenu mais des cris de haine ou de rage à leur encontre. Ensuite, c’est le quotidien qui se met en place. L’assistante sociale distribue aux nouveaux arrivants des vivres et des couches pour enfants, parlemente avec les voisins, les enfants vont en classe… Face à eux, le chômage règne, les enfants ont faim, la rancoeur et la jalousie montent. Avec justesse, Ken Loach rappelle la misère de ces villes de briques rouges où règnent le chômage, le désoeuvrement, la honte. Ce sentiment d’abandon se heurte à la perception que ces nouveaux arrivants sont mieux traités qu’eux, tout en oubliant qu’eux-mêmes sont encore chez eux et que leurs bâtiments historiques sont encore debouts… même si leur monde a changé.

« Rentre dans ton pays » crie l’un des villageois à Yara. « Si seulement je pouvais » lui répond-elle. L’intégration est difficile, symbolisée par l’appareil photo cassée de la jeune Yara. Mais cet appareil va aussi servir de fil rouge. C’est grâce à lui que se lient d’amitié les deux personnages principaux, porte-parole de leur communauté respective.  La jeune Yara et le patron du pub T. J. Ballantyne symbolisent tous les deux l’abandon de deux mondes, la Syrie et les mines de charbon. Mais aussi l’espoir !

En découvrant dans la salle du pub des photographies représentant la lutte des mineurs contre le gouvernement Thatcher en 84-85, Yara comprend qu’eux aussi ont perdu une guerre et sont des vaincus. « Qui mange ensemble, résiste ensemble » semble alors être une devise fédératrice. Mais avec Ken Loach, rien n’est simple et il n’aime pas les faux happy ends.

Un appel à l’espérance

Le héros principal du film, c’est finalement le pub nommé The Old Oak (Le vieux chêne). Toute l’histoire tourne autour de lui. Il symbolise à lui seul une tradition qui disparait, un délitement des liens sociaux.  Le pub était le lieu incontournable d’une ville ou d’un quartier.

Selon les chiffres du British Beer and Pub Association   (BBPA), le nombre de pubs est passé de 60 800 dans les années 2000 à 45 800 en 2022. Les raisons de cette disparition sont multiples : la hausse des coûts de l’énergie, la hausse des taxes qui a rendu les plats et les boissons dans les pubs plus coûteux que dans les magasins et la baisse du pouvoir d’achat qui incite les jeunes à réduire leur sortie ou à célébrer chez eux et non plus à l’extérieur. Ken Loach alerte sur la fin d’un mode de vie.

Mais certains pubs se transforment, mixant les influences britanniques avec ceux des nouveaux arrivants. Le film de Ken Loach est un peu de ce goût-là, symbolisé par cette bannière qui est portée par des représentants des deux communautés lors de la fête annuelle des mineurs du comté de Durham.

Une pointe d’optimisme qui fait du bien !

Virginie Hours, reporter pour Color My Geneva – tous droits réservés

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