Ce n’est pas un hasard si les cinémas du Grütli mettent en avant le réalisateur genevois Alain Tanner. Celui-ci, décédé le 11 septembre 2022 à l’âge de 92 ans, est considéré comme un des plus importants réalisateurs suisses mais aussi le cofondateur en 1972 du CAC-Voltaire devenu en 2011… les Cinémas du Grütli ! Ils proposent un bel hommage jusqu’au 31 décembre 2022 avec la projection ponctuelle de ses films restaurés en 4k par l’Association Alain Tanner et la Cinémathèque suisse.
Voici Alain Tanner, en trois points…
Alain Tanner, le Genevois
Il naît le 6 décembre 1929 à Genève. Au collège Calvin, il rencontre un autre passionné de cinéma, Claude Goretta. Il étudie ensuite les sciences économiques à l’UNIGE, fonde en 1951 le ciné-club universitaire de Genève avec Claude Goretta et Jean Mohr. Après quelques années passées dans la marine marchande comme commissaire de bord, sur les cargos de la ligne d’Afrique du Nord puis à Londres où il réalise son premier film ( Nice Time qui obtient le prix du film expérimental au Festival de Nice en 1957), il décide de rentrer en Suisse. Il y effectuera la suite de sa carrière.
Genève a souvent servi de décor à ses films. Notons par exemple : “Charles mort ou vif“, “Jonas et Lila, à demain“, “Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000” “Paul s’en va” , “La vallée fantôme“, “Le retour d’Afrique” et « La salamandre“.
Alain Tanner et le nouveau cinéma suisse
En 1963 est votée une loi fédérale sur le cinéma. Celle-ci limite l’octroi de subventions aux seuls films documentaires dits « culturels » ; les films dits de « fiction » peuvent être primés mais pas financés. En 1964 a lieu l’Exposition nationale dans la ville de Lausanne, choisie car la Suisse romande n’avait connu qu’une seule exposition nationale (celle de Genève en 1896) alors que la Suisse alémanique en avait accueillie trois : Zürich en 1883 pour l’ouverture du Gothard, Berne en 1914 et Zürich à nouveau, en 1939, surnommée la « Landi ».
A la suite de la loi de 1963 votée par Berne, Alain Tanner, Henry Brandt et Claude Goretta décident d’élaborer des films qui, projetés à l’occasion de cette Exposition, pourraient donner une autre image du cinéma suisse. Ils souhaitent que le cinéma soit considéré comme un art à part entière et non comme un simple divertissement, et bénéficient ainsi de certains avantages comme le mécénat et le soutien financier de la Confédération par des subventions. Ils vont alors inventer le concept de « documentaire poétique »… « Siamo Italiano » du cinéaste Alexander J. Seiler sorti en 1964, est considéré comme la première pierre de ce nouveau cinéma. Mais ce sont les longs métrages d’Alain Tanner et de Claude Goretta qui marqueront vraiment la naissance du « nouveau cinéma suisse ».
Par ailleurs en 1968, il fonde avec les autres cinéastes suisses Claude Goretta, Jean-Louis Roy, Michel Soutter et Jean-Jacques Lagrange leur propre société de production, le Groupe 5, afin notamment de produire des films indépendants (et ne plus être uniquement sous-contrat de la TSR) et de les promouvoir à l’étranger. Ainsi, le groupe 5 produit en 1969 son film « Charles, mort ou vif » qui gagne le Léopard d’Or au Festival de Locarno.
Alain Tanner et le Grütli
Entre le réalisateur et le Grütli, existe un lien particulier. Avec le comédien et graphiste François Roulet et Claude Richardet, lui-même documentariste et professeur de cinéma et d’audio-visuel, il veut créer un Centre d’animation cinématographique axé aussi bien sur l’histoire du 7e art que sur des créations plus marginales. Ils investissent en 1972 un cinéma de quartier, le Roxy, rebaptisé cinéma Voltaire du nom de la rue où il siège. La première manifestation organisée en hommage à l’acteur genevois Michel Simon, rencontre un grand succès, ce qui incite le canton de Genève et la ville à accorder des subventions. Le centre prend son envol…
En 1988, il investit la Maison des Arts du Grütli, ancienne école et caserne de pompiers, où il est toujours.
Les cinémas du Grütli
Maison des Arts du Grütli,
Rue du Général-Dufour 16,
1204 Genève
Virginie Hours, reporter pour Color My Geneva – tous droits réservés