Culture, Loisirs

Avec « Conclave » sur grand écran, conspiration au Vatican

Avec « Conclave », le réalisateur Edward Berger nous fait découvrir les arcanes du Vatican et la complexité de l’élection du successeur de Saint Pierre. Tous les coups sont permis !

Le pape est décédé, il faut organiser l’élection de son successeur. Le cardinal Lawrence, doyen de la curie, est chargé de diriger le conclave, cette assemblée de cardinaux qui décident en huis-clos de l’avenir de l’Eglise. Justement, cet avenir est perçu différemment selon les sensibilités de chacun. Dans les coulisses, les tractations commencent pour s’assurer les votes nécessaires. Mais peu à peu, le cardinal Lawrence découvre des secrets et des malversations…

“Conclave” d’Edward Berger

Avec Ralph Fiennes, Stanley Tucci, Isabella Rosselini

Date de sortie : 4 décembre 2024

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Plusieurs films ont déjà utilisé comme toile de fond l’élection du pape à Rome et ont manié le culte du secret, les fumées noires et blanches, les calottes pourpres et les volées de religieuses. On pense à Abbemus papam de Nanni Moretti ou à The two popes de Fernando Mereilles. Le réalisateur Edward Berger relève le défi de nous en proposer une autre lecture. Pour l’aider, il a fait appel au scénariste Peter Straughan, bien connu pour le film d’espionnage La taupe, et s’est inspiré du roman à succès Conclave de Robert Harris édité en 2016. Cette collaboration donne un film relevé très prenant. Les dialogues sont brillants et souvent très drôles, notamment avec certaines allusions à des scandales politiques américains. Quant à la musique de Volker Bertelmann, elle est omniprésente et souligne parfaitement l’ambiance pesante… et la tension qui monte au fil des découvertes et des votes ! Enfin, on retrouve les codes qu’Edward Berger avait utilisée avec succès dans son précédent film (oscarisé en 2023) A l’Ouest, rien de nouveau : la caméra ne lâche jamais Ralph Fiennes, il joue avec les cadrages et les symétries des dalles, des hautes colonnes en marbre ou des couloirs d’hôtel, accentuant ainsi le sentiment de cloisonnement et de huis-clos.

Ralph Fiennes est magistral dans le rôle du cardinal Lawrence. Il arrive à complexifier un personnage qui aurait pû sembler mièvre à force de réserve et de bonté. Face à lui, on retrouve un cardinal américain progressiste nommé Bellini (Stanley Tucci est parfait de dualité), un canadien réactionnaire appelé Tremblay (John Lithgow), un conservateur nigérian nommé Adeyemi (Lucian Msamati) ou encore un traditionnaliste italien appelé Tedesco (excellent Sergio Castellitto). Ces personnages reflètent avec justesse les tendances existant au sein de l’Eglise, miroir de la société actuelle. De son côté, seule figure féminine marquante, Isabella Rosselini incarne la religieuse rigide et sêche mais qui laisse transparaître son attachement pour l’ancien pape. Et qui, à sa manière, peut influer sur le résultat des élections…

« Bien sûr », le thème sous-jacent est celui du pouvoir qui corrompt ou aveugle. Mais qui ne rêve pas d’être élu pape, si cela permet de sauver sa propre vision de ce que devrait être l’Eglise ? Le réalisateur montre bien combien la Curie est avant tout composé d’hommes qui cherchent à suivre un idéal malgré leur faiblesse. La scène où le cardinal Lawrence prie à côté d’un de ses collègues qui pleure de déception et de rage de ne pas pouvoir être élu est particulièrement juste. Avec raison, les références aux récents scandales de l’Eglise ne manquent pas, ce qui rend cette réflexion encore plus actuelle.  Cependant, l’Esprit Saint souffle où il veut et saura inspirer aux cardinaux un choix porteur de bonnes nouvelles et d’espérance !

Un très bon thriller qui démonte toute certitude…

Virginie Hours, reporter pour Color My Geneva – tous droits réservés

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