Culture, Loisirs

Avec “Vingt Dieux”, l’accent est mis sur le goût de la vie et du Comté !

Le goût de la vie et celui du Comté font bon ménage dans « Vingt Dieux », le premier film de la réalisatrice jurassienne Louise Courvoisier. Pour notre plus grand plaisir…

Totone a 18 ans. Son horizon se limite à la ferme de son père et aux copains avec qui il boit, fume et pétarade à moto. Lorsque son père décède subitement, il doit faire face à la réalité : élever sa petite sœur et gagner de l’argent. Mais quand il découvre qu’il est possible d’obtenir un prix avec un Comté d’excellente qualité, il décide de se lancer…

« Vingt Dieux » de Louise Courvoisier

Avec Clément Faveau, Luna Garret, Maïwène Barthelemy

Sortie : 11 décembre 2024

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L’heure est à la redécouverte du terroir et de ses secrets…

Après Le roman de Jim qui nous avait transporté dans les montagnes du Haut-Jura, nous voici plongé de nouveau dans la région grâce à la réalisatrice Louise Courvoisier. Celle-ci connaît très bien le village de Cressia où elle a grandi, mais aussi ses habitants qu’elle a voulu mettre en lumière avec ce très joli film. Elle dépeint à merveille la jeunesse des campagnes, entre ennuie et fêtes de village, mobylette et rêves coincées. Totone écume les bals et boit déjà trop pour son âge. Rien ne semble intéresser ce poil de carotte à la mode jurassienne, et surtout pas les travaux de la ferme dans laquelle s’échine son père. Le travail y est exigeant, souvent ingrat. Celui-ci semble dépassé par la vie, la charge de ses enfants. Le réveil est brutal pour un tout jeune de 18 ans qui ne peut compter que sur ses copains pour faire face aux obligations d’un monde d’adultes. Pourtant, ceux-ci y semblent bien absents, incapables d’y prendre une place, trop occupés par justement ce travail agricole et leurs obligations. C’est ce que résume parfaitement la jeune Marie-Lise. Totone l’envie-t-il d’être seule à la tête d’une grande exploitation ?  Elle le rembarre en lui rappelant les horaires à rallonge, le manque de vacances, l’aspect physique du travail… et la solitude. Mais elle n’en est pas triste ! En contrepartie, elle jouit d’une autre forme de liberté, de solidité et de tête bien faite : on n’a jamais rien sans rien…

La décision de se lancer dans la fabrication du Comté prend alors l’allure d’un rite initiatique, Totone mûrissant à son tour sous nos yeux. On sent que Louise Courvoisier aime profondément la région et ses habitants, les jeunes à la fois glandus et débrouillards. Avec elle, pas de misérabilisme mais des personnages qui ont de l’énergie à revendre même si leur projet semble inutile ou futile, voire de la noblesse. Le personnage de Jean-Yves (Mathis Bernard) l’ami fidèle est particulièrement attachant. Il ose parler avec pudeur du décès du père et offre à Totone ce qui est le plus important pour lui, sa voiture, pour que celui-ci réalise son rêve. La réalisatrice a su s’entourer de comédiens épatants, la plupart pourtant sans expérience et originaire de son village natal. Ils sont cash, souvent drôles, très justes, à commencer bien sûr par Clément Faveau ( Totone), mais surtout Luna Garret (Claire) la petite sœur aux grands yeux gris qui ne dit rien mais n’en pense pas moins. A sa manière, elle prend sa part… et sa place dans l’histoire puisque c’est elle dont Totone est responsable et qui le force à grandir.

« Bien sûr », le film est aussi un hommage au fromage emblématique de la région, le Comté. En cherchant la bonne méthode de fabrication, Totone retrouve les gestes de son père et ses racines. Il met en lumière  toutes les étapes nécessaires à sa fabrication : le chauffage du lait dans la cuve en cuivre, le brassage, le caillage et le moulage… On est loin de l’usine et des machines, il faut y mettre les bras ! Retour aux sources salutaires pour mieux découvrir qui on est et le goût de la vie.

La qualité du film est reconnue un peu partout : sélectionné dans la catégorie Un certain regard au dernier Festival de Cannes, il remporte le Prix de la jeunesse, puis le Valois de Diamant au festival du film francophone d’Angoulême et le prix Jean Vigo du long métrage. C’est tout mérité.

Virginie Hours, reporter pour Color my Geneva – tous droits réservés

 

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