Culture, Loisirs

« Dynamic Wisdom » au cinéma : rencontre avec la réalisatrice Elise Shubs

Spécialisée en droit d’asile, la réalisatrice Elise Shubs est entrée de manière « clandestine » dans le cinéma. A l’occasion de la sortie du film « Dynamic Wisdom », rencontre avec celle qui veut utiliser la force de l’image et des documentaires pour changer les regards.

Comment avez-vous rencontré le collectif  « Dynamic Wisdom » ?

Je suis de nature curieuse, j’aime découvrir de nouveaux univers. Un de mes voisins qui me connait bien m’a proposé de les rencontrer. Il s’est dit que je trouverai leur situation intéressante. C’est en les fréquentant que j’ai peu à peu eu envie de faire un film.

Au début, je n’avais pas le souhait de faire un long film mais plutôt des capsules dans lesquelles ils pouvaient raconter leur vie. C’est en réalisant combien leur vie était incroyable que j’ai eu envie de mettre en avant leur collectif. J’ai filmé très vite et tout de suite car je ne savais pas combien de temps ils pourraient rester dans cette maison.

 

Quel est votre objectif avec ce documentaire ?

L’objectif est double. Le premier est de répondre à une de leurs envies qui était d’archiver leur histoire. Ils avaient conscience de vivre un moment particulier et avaient à cœur de pouvoir le montrer plus tard à leurs enfants, leur famille. Il s’agissait pour eux de documenter un moment suspendu de leur vie pendant lequel ils avaient dû se battre pour obtenir une vie meilleure. Le second est de donner une autre image de gens qui viennent du Nigéria. On oublie qu’avant d’arriver en Suisse, ils ont eu une vie : ils ont fait des études, ont souvent travaillé. Ils arrivent avec un bagage. Je voulais les montrer dans une autre posture que celle où on a l’habitude de les voir : pas de gilet de sauvetage, pas d’entretien avec une psychologue ou une assistante sociale. Ils ne sont pas en situation de vulnérabilité. ils parviennent, en utilisant leurs propres ressources et leur intelligence, à sortir d’un système très précaire pour en créer un autre, plus porteur.

 

Des éléments peuvent étonner comme l’omniprésence de la musique, l’importance de la foi ou la personnalité de jeunes suisses qui s’engagent… Pouvez-vous nous en dire plus ?

Au-delà des clichés, la musique et la religion font partie intégrante de leur vie. Dans cette maison, il y a de la musique 24/24. Dans une scène, ils dansent après la réunion. On les voit aussi prier ensemble. Ils viennent du sud-est du Nigeria, ils sont catholiques. La musique et la religion leur permettent d’être en lien avec le présent et avec ce qu’ils vivent.

J’ai aussi montré le rôle de trois suisses. Ils font des recherches de maison, ils contactent les propriétaires des maisons abandonnées. Ils donnent une image différente des squatteurs avec leur volonté d’être respectueux, de rester dans la légalité. Les contrats de confiance qu’ils concluent avec les propriétaires sont une bonne solution pour tout le monde.

Finalement, cette maison est devenue le personnage central de cette histoire. Entre ces quatre murs, ils créent un sas de sécurité, un espace de liberté.

 

 

 

DYNAMIC WISDOM
un film de Elise Shubs
avec le collectif Dynamic Wisdom

Sortie en Suisse romande : 6 avril 2022

 

” Quand on ne t’accepte pas dans un système, tu dois créer ton propre système. ” déclare un des protagonistes du documentaire « Dynamic Wisdom ». Bienvenu dans un collectif qui montre combien la « sagesse dynamique » d’une vingtaine de nigérians créé un espace bienveillant et porteur.

Dans une petite ville vaudoise, un groupe d’une vingtaine de nigérians vit dans une maison abandonnée. Ils ont passé un accord avec le propriétaire et peuvent y résider jusqu’à ce que la maison soit détruite. Comment s’organise la vie quotidienne alors que chacun est en situation précaire, à la recherche d’un travail, entre la Suisse et l’Italie ?

C’est tout l’intérêt du film.

La réalisatrice Elise Shubs connait bien son sujet puisqu’elle a travaillé de nombreuses années comme conseillère juridique spécialisée dans le domaine de l’asile. Son propos est moins de dénoncer des situations de vie difficile que de montrer comment un groupe d’hommes peut organiser dans un esprit démocratique la vie quotidienne dans un pavillon. On assiste aux réunions, aux prises de décision, aux temps de prière, aux repas en commun. Conscients de leur chance, ils s’unissent pour payer les factures, accueillir d’autres dans le besoin, s’entraider. A travers les récits de Kinsley, Sunny ou Obama, ce documentaire nous offre de beaux portraits d’homme en quête d’une vie porteuse et respectable. « Au Nigéria, j’avais une belle vie. Personne ne décide de partir de chez soi pour vivre ensuite entassés à cinq dans une chambre sans de bonnes raisons » souligne avec justesse l’un d’eux.

Un documentaire qui évite l’écueil moralisateur, dénonce certains clichés et montre comment se créé en parallèle de nos vies et malgré leurs difficultés, une micro-société basée sur l’accueil, le respect et la dignité.

 

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter le site internet : https://dynamicwisdom.ch

 

Virginie Hours – reporter pour Color My Geneva, tous droits réservés

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