Culture, Loisirs

« Le Procès Goldman » sur grand écran : quand le doute s’installe

Fasciné aussi bien par l’homme que par l’enjeu du procès, le réalisateur Cédric Kahn nous offre un huis-clos passionnant et une réflexion toujours actuelle sur la perception de la vérité.

L’activiste Pierre Goldman est accusé de plusieurs braquages à main armée et du meurtre de deux pharmaciennes. Condamné à perpétuité lors d’un premier procès devant la cour d’assises de Paris, il avoue les cambriolages mais refuse d’être désigné comme un assassin malgré de nombreux témoignages. Acclamé par l’intelligentsia de gauche, il est défendu par un jeune avocat, Maître Kiejman, avec qui il entretient des relations difficiles.

« Le procès Goldman » de Cédric Kahn

Avec Arieh Worthalter et Arthur Harari. 

Date de sortie : 4 octobre 2023

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Qui est Pierre Goldman ? Un révolutionnaire ? Un beau parleur ? Un simple malfrat ? Les jurés n’en savent rien et nous non plus. Mais son procès soulève l’enthousiasme… Bienvenu.e.s dans ce huis-clos si particulier, le film durant le temps des plaidoiries et des récits des témoins. Au côté de l’accusé, on retrouve des personnalités comme l’actrice Simone Signoret, l’écrivain Régis Debray, les membres de sa famille dont son demi-frère le chanteur Jean-Jacques Goldman et des sympathisants d’extrême gauche survoltés. Face à lui, on retrouve la famille des victimes, les policiers qui ont permis son arrestation, l’avocat de la partie civile. La première qualité du film est de nous faire revivre une époque où la politique était marquée par les clivages et les luttes armées, le souvenir encore vivace de la shoah. Pierre Goldman n’est-il pas parti au Vénézuela pour y faire la révolution ? N’a-t-il pas voulu ainsi suivre les pas de ses parents, juifs communistes et résistants pendant l’occupation allemande ?

Cédric Kahn a d’abord été fasciné par le livre « Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France » écrit par Pierre Goldman lorsqu’il est en prison et dans lequel il plaide son innocence. Avec l’aide de sa coscénariste Nathalie Hertzberg, le réalisateur a ensuite reconstitué les débats avec minutie, se basant uniquement sur les articles de presse. Le résultat est passionnant : Cédric Kahn refusant lui-même de prendre parti, il laisse la plus grande place à la parole (les réparties de Pierre Goldman, les joutes oratoires des avocats…), sa caméra se contentant de glisser sur les visages tendus.

Enfin, la personnalité de Pierre Goldman ne laisse pas insensible. Parfaitement incarné par l’acteur franco-belge Arieh Worthalter, il sait électriser la salle, provoquer, se mettre en jeu. Jamais sympathique mais sachant manier le verbe avec brio, il pointe avec raison les faiblesses de l’accusation, rappelant l’importance de la présomption d’innocence. La tension avec ses avocats, Maitre Kiejman en tête (qu’il traite de « juif de salon ») souligne encore davantage l’enjeu du procès et la tension qui règne entre tous.

Un film prenant et passionnant.

 

Virginie Hours, reporter pour Color My Geneva – tous droits réservés

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