André Masson (Alex Lutz) est commissaire-priseur dans une célèbre maison de ventes nommée Scottie’s à Paris. Son métier le passionne même s’il entretient des relations difficiles avec sa stagiaire (Louise Chevillotte) qu’il soupçonne de mentir sans cesse. Un jour, une avocate (Nora Hamzawi) le contacte avec une nouvelle étonnante : une famille d’origine modeste vivant à Mulhouse aurait découvert une toile d’Egon Schiele dans sa maison. Il s’y rend avec son ex-épouse (Lea Drucker), experte comme lui, afin de l’authentifier. Ce qu’ils y découvrent va changer leur vie…

“Le tableau volé”, De Pascal Bonitzer

Avec Alex Lutz, Léa Drucker, Nora Hamzawi

Date de sortie : 1^er mai 2024

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Le scénario du film (le destin d’un tableau volé à l’époque nazie et retrouvé par hasard dans un lieu improbable) ressemble à celui d’autres œuvres, à commencer par L’Hypothèse du tableau volé de Raoul Ruiz avec qui Pascal Bonitzer a régulièrement travaillé comme scénariste ou La femme au tableau de Simon Curtis. Cette fois-ci le réalisateur d’origine parisienne reprend un fait réel, la découverte en 2005 dans un appartement de la banlieue de Mulhouse acheté en viager d’un tableau d’Egon Schiele, un artiste autrichien. Ce sujet est toujours d’actualité puisqu’on évalue à 60 000 le nombre des œuvres appelées MNR, (soit Musées Nationaux Récupération) qui ont été retrouvées en Allemagne ou dans des territoires occupées et renvoyées en France à la fin du conflit. Seules 45 000 (chiffres du Ministère de la culture) d’entre elles ont été rendues à leur propriétaire… Aussi en 2019, le ministère de la Culture a-t-il créé la « Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 » dont la tâche est de restituer les œuvres aux ayants-droits. C’est ainsi qu’en avril 2023, cette mission a pu rendre deux tableaux et une sculpture du XVe siècle aux ayants droit des collectionneurs Ernst et Agathe Saulmann et Harry Fuld Junior. Mais l’intérêt principal du film n’est pas là.

Pascal Bonitzer profite de ce fait divers pour nous plonger dans le monde particulier des salles de vente. En effet, entre les plus fameuses telle Christie’s, Drouot ou Tajan, se joue une véritable compétition visant à gérer les ventes les plus spectaculaires et prestigieuses. Cette compétition existe aussi entre les différentes salles de vente internationales comme Paris, New-York, Londres ou Hong-Kong. L’enjeu est de taille puisque régulièrement, certains tableaux sont vendus à plusieurs millions. Récemment en 2023 une toile de Pablo Picasso nommée « Femme à la montre », a ainsi été vendue aux enchères par la maison Sotheby’s, à New York, pour 139 millions de dollars. D’où la questions sous jascente : est-ce l’art ou l’argent qui prime ?

Pour décrire ce petit monde de la vente d’oeuvre d’art où tous les coups semblent permis et imaginer l’intrigue, Pascal Bonitzer s’est appuyé sur le travail de sa collaboratrice Iliana Lolic. Celle-ci a effectué de nombreuses interviews des principaux métiers, des commissaires-priseurs, des galeristes, des collectionneurs, des antiquaires, etc. Le résultat est passionnant. Il montre effectivement la cohabitation entre la passion et l’argent, symbolisée par la scène de la découverte du tableau : André Masson et Bertina sont fascinés par cette découverte extraordinaire à leur yeux (retrouver un tableau que tout le monde croyait perdu) tout en calculant en même temps combien le tableau peut valoir aux enchères. “Il y a toujours quelque chose de cynique et de dégueulasse dans le monde de l’argent, c’est comme ça. Ça m’amusait, s’agissant d’une œuvre d’art, qu’on ne l’envisage jamais autrement que sur le mode : combien ça va rapporter » explique Pascal Bonitzer dans un entretien. D’où l’intérêt du personnage de Paco, le jeune ouvrier chez qui le tableau est découvert. Lui seul garde la tête froide, comprenant que cette découverte peut bouleverser sa vie et celle de ses proches pour le meilleur… et le pire. Alors que tous composent avec une approche personnelle de la vérité selon leurs intérêts, à commencer par la jeune stagiaire, il garde le cap et en sera récompensé.

Le film est très bien porté par une galerie de personnages attachants  à commencer par le duo Alex Lutz et Léa Drucker et une mention spéciale à l’avocate de province qui ne s’en laisse pas compter jouée par Nora Hamzawi. On peut juste être dérouté par certains partis-pris. Visiblement, Pascal Bonitzer souhaitait aborder plusieurs sujets en parallèle comme le sentiment de transclasse, la solitude, le mensonge, mais ne fait que les effleurer. Ce choix peut laisser un sentiment d’inachevé.

Reste au final, un film très intéressant et très bien joué. Un excellent moment.

Virginie Hours, reporter pour Color My Geneva – tous droits réservés