Culture, Loisirs

Le très beau “roman de Jim” sur grand écran : papa où t’es ?

Les frères Larrieux nous offrent une très belle réflexion sur les liens, force et fragilité à la fois.

Aux yeux de son entourage, Aymeric est le prototype du garçon gentil, sympa… Peut-être trop ? Au hasard d’une soirée à Saint-Claude dans le Haut-Jura, il retrouve Florence, une ancienne collègue de travail, enceinte de six mois et célibataire. Sans trop réfléchir, il s’attache à la jeune femme et à son ventre rond, assiste à la naissance du petit Jim. Peu à peu, il endosse le rôle du compagnon et du père à l’étonnement, puis la satisfaction de son entourage . Jusqu’au jour où le père biologique de Jim réapparait…

Le roman de Jim d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu avec Karim Leklou, Laetitia Dosch, Sara Giraudeau.

Sortie le 14 août.

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Lâcheté ou sagesse ?

Est-ce que quelqu’un est jamais trop gentil ?

C’est ce que le personnage incarné de manière épatante par Karim Leklou (connu surtout depuis Le monde est à toi de Romain Gabvras et Bac Nord de Cédric Jimenez)) pourrait laisser croire. Aymeric est la bonne pâte, toujours conciliant, celui qui aide les copains et ne les trahit jamais. Au contact de Florence, il se laisse embarquer dans cette drôle d’histoire, compagnon d’une femme plus âgée, enceinte d’un autre, baby-sitter de ce petit garçon dont il coupe le cordon ombilical à la naissance « puisqu’il est là »… Est-ce une forme de paresse ou de lâcheté face à la vie et à ses imprévus ? Ou au contraire, la sagesse de savoir rester ouvert à ce qui s’offre à soi ? La rencontre improbable de Florence et ce lien grandissant sont finalement une chance pour lui, un nouveau cadre dans sa vie. On assiste à la naissance de cet attachement, ce grand bonheur de former une famille avec ses rites et ses balades. Et puis, tout se grippe lorsque Christophe, le père biologique, réapparait. Aymeric et Jim attendent son départ mais il s’incruste et Florence, de son côté, y voit peut-être une nouvelle chance de reprendre leur histoire. Alors, Aymeric, s’éloigne, s’installe à Lyon tout en réclamant de maintenir le lien, de conserver ce statut de père de Jim. Mais Florence ne l’entend pas de cette manière et Christophe, comme le coucou dans un nid, non plus…

On aimerait qu’Aymeric se batte davantage « au nom du fils ». Mais est-ce de la lâcheté ou de la sagesse ? La question se pose aussi vis-vis de Florence que la franco-suisse Laetitia Dosch incarne avec subtilité en la rendant ni odieuse, ni sympathique. Elle cherche à sa manière le bonheur. Le sien ? celui de Jim ? ll faudra la fin du film pour se faire une opinion… Entre temps, Aymeric aura souffert de l’absence mais aura peut-être aussi repris sa propre vie en main, moins dépendant des hasards. Sa rencontre avec une professeur de français qui ne veut pas d’enfant (toujours excellente Sara Giraudeau) marque un tournant heureux. Ainsi devient-on parfois vraiment adulte…

Relire le livre…

Comme Karim Leklou, les frères Larrieu sont des habitués du festival de Cannes. Après La brèche de Roland (Quinzaine des réalisateurs, 2000), Peindre ou faire l’amour (en compétion au festival en 2005), puis Le voyage aux Pyrénnées (Quinzaine des réalisateurs, 2008), ils font leur retour dans la sélection Cannes Première, avec une adaptation très réussie du roman éponyme de Pierric Bailly édité chez P.O.L. Fidèlement, ils plantent leur caméra dans cette région méconnue du haut-Jura. Les réalisateurs, natifs de Lourdes aiment la montagne et savent la rendre attachante malgré sa rudesse, comme un écho aux personnages. Sous leur caméra,  le propos n’est jamais larmoyant. C’est une jolie réflexion sur la force des liens, la notion de famille, les mécanismes d’attachement et d’arrachement. Chaque personnage a ses parts d’ombre et de lumière. On ne peut pas en vouloir totalement à l’un ou à l’autre car la vie est ainsi faite.

Et comme le film donne envie de lire le livre, n’hésitez pas…

 

Virginie Hours, reporter pour Color My Geneva – tous droits réservés

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