Qui connait Sophie Lavaud ? Son nom semble peu connu en dehors d’un cercle d’initiés. Et pourtant… Cette femme discrète mais volontaire s’est fixée comme objectifs de gravir les 14 sommets de plus de 8 000 mètres. Au printemps 2023, elle s’attaque donc à son dernier, le Nanga Parbat qui culmine à 8 126 mètres dans le nord Pakistan. Surnommé Diamir, le « roi des montagnes », c’est aussi un des plus difficiles à vaincre d’où son surnom également de « montagne tueuse ». Pour immortaliser cette dernière ascension, l’alpiniste et réalisateur François Damilano, l’accompagne. Occasion de faire le point sur son parcours et ce qui anime cette grande dame aux trois nationalités prête à entrer dans l’histoire : deviendra-t-elle le premier Français, la première Suissesse et le premier Canadien à avoir gravi les 14 x 8000 ?
“Sophie Lavaud – Le dernier sommet” de François Damilano
Sortie : 18 septembre 2024
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Qui est Sophie Lavaud ?
La réponse nous est donnée en partie par François Damilano qui porte sur Sophie Lavaud un regard à la fois admiratif et interrogateur. Suite à leur première rencontre (elle réussit l’ascension du Shishapangma, et du Cho Oyu alors que lui-même renonce en raison du mauvais temps), il reconnait : « la réussite de Sophie interpelle ma propre pratique de l’himalayisme. Sophie ne revendique rien, ne projette rien. Elle ne fait pas partie du sérail de l’alpinisme. Mais je rentre avec une certitude : cette fille va grimper haut, très haut ».
Tout au long de ce documentaire, nous sommes invités à comprendre ce qui anime cette femme de 55 ans, ses choix stratégiques, ses renoncements qui lui auront sauvé la vie, cette force tranquille. Nous sommes également immergés dans cette ascension si difficile, le mal des montagnes, le froid… En suivant cette dernière ascension François Damilano nous raconte parallèlement comment Sophie Lavaud en est arrivée là : 24 expéditions en 10 ans, des drames, des échecs, des réussites. Caméra sur l’épaule, il nous entraîne dans ce monde à part, celui des camps à très hautes altitudes, des sherpas, des occidentaux prêts à tout pour gravir ces sommets.
Quel rapport entretenir avec la notion d’exploit ?
Un des intérêts de ce documentaire est de montrer combien une équipe est nécessaire pour réussir ce qui reste un exploit. Tout se construit, rien n’est laissé au hasard. Avant de s’élancer, Sophie attend l’arrivée des sherpas en qui elle a confiance ; elle contacte régulièrement le météorologiste qui resté à Chamonix, lui communique les prévisions les plus récentes ; elle raconte comment elle renonce à un sommet car ayant perdu son piolet, elle redoute la descente…. La réussite d’une ascension dépend de détails qui n’en sont pas : l’installation d’un camps de base sur une paroi sûre, une fenêtre météo favorable… Sophie Lavaud calcule, évalue, constate, assume. Elle ne se laisse pas influencer, elle garde sa musique propre.
Cependant, la récente ascension de l’Everest du youtubeur Inoxtag relance le débat sur une hyper commercialisation, voire une forme de surtourisme des sommets himalayens. Le vidéaste aux 8 millions d’abonnées a 22 ans et se lance le défi de réussir cette ascension en se donnant 1 an pour se préparer. Son documentaire sort dans les salles concomittamment à celui de Sophie Lavaud. Faut-il comparer ces deux aventures ?
Alors qu’elle est sur le camp de base, Sophie Lavaud croise Kristin Harila. Les deux femmes se connaissent bien et s’apprécient dans ce monde encore très masculin. Cette alpiniste norvégienne parvient à battre le record de vitesse d’ascension des 14 sommets de plus de 8000 mètres (en 3 mois et 1 jour) avec le guide népalais Tenjin Sherpa dans l’objectif d’inscrire beaucoup plus les femmes dans l’histoire de l’alpinisme. Faut-il comparer ces deux aventures ?
Sophie Lavaud est une personnalité attachante et vraie. Ce documentaire lui rend parfaitement hommage. Elle-même rend ses lettres de noblesse à l’alpinisme, loin du tapage médiatique et de l’esbroufe. “Le 8000, c’est l’éloge de la lenteur” dit-elle. Respect à une grande dame.
Virginie Hours, reporter pour Color my Geneva – tous droits réservés